Un autre regard
Emotions qui s’y blottissent …
Libre inspiration, sens caché ou évidence … un ensemble de textes et poèmes écrits par un ami d'enfance, Claude Panouillé
Cette rubrique s’enrichit au fil des rencontres : envoyez-moi textes ou commentaires que vous inspirent ces oeuvres et ils seront publiés.
EVE OU L'ETERNELLE TENTATION
- Lui campé simplement il connaît bien sa tâche
Une terre à porter et à débosseler
A combler à parfaire et que ne blesse plus
La moindre aspérité sur sa rotondité
La vigueur de son bras c'est sûr y suffira
Qui soutient sans effort Caïn cet innocent
Et Abel dont la vie déborde de promesses
La place lui convient qui lui fut assignée
- Elle ramassée dense et prête pour l'essor
Car l'épaule de l'homm(e) n'est plus
que marchepied
Pas besoin de serpent
En elle cette force
Cet élan cette soif ce besoin ce tyran
L'attrait du sortilège et le goût du vertige
Un poète écrira Enfer ou Ciel qu'importe
Au fond de l'Inconnu pour trouver du Nouveau
Et d'Eve descendront tous ceux qui quitteront
Le sillon tracé droit la tiédeur du foyer
La couche de l'épouse aux gestes bien appris
Les lendemains prévus les plaisirs attendus
Le cycle des saisons jamais renouvelé
La douceur du verger et le repos du banc
Les Van Gogh les Darwin les premiers Pascuans
Tous ceux que porteront leurs semelles de vent
- D'Eve procèderont tous ceux qui chercheront
Dans les volutes bleues le jaune de l'absinthe
A rebours du miroir à l'autre bout du monde
Dans l'abri de l'ermite en habit de Pierrot
Au-dessous du volcan au cœur de son cratère
Dans les vapeurs d'encens dans la chair la luxure
Tous ceux qui chercheront l'Atlantide perdue
Cipango la dorée la métaphore juste
L'outrenoir le Graal l'Azur la note bleue
L'inaccessible étoil(e) la toison de Colchide
Qui sont fleurs de vertige et rouille et sortilèges.

- La lueur de la lune
Les ombres se profilent
Reflets d'opale albâtre pâle
Oh là là la belle allure
Les corps sont accordés
L'allégresse est légèreté
Les pieds en sont ailés
La pesanteur en allée.
COUPLE GAI EN DANSE AILEE

Elle la sveltesse de la liane
Luciole et libellule
Et si lisse et lustrée
La sylphide pas languide
Lui
Pas plus musculeux
Elancé si poli
Sans nulle aspérité
Eux limon et limaille
Phalène et sauterelle
L'huile et l'alun le lilas et l'airain
Ou la corde et l'archet
La lyre et la syrinx
CONFIANCE OU LA MAIN DE DIEU
La main
Fermée elle refuse
Faite poing elle broie
Elle clôt emprisonne
Elle gifle ou bastonne
Partie du cœur de l'homme
C'est elle qui façonne
Qui prend ou bien qui donne
Qui écrit qui raisonne
Qui frôle qui rayonne
Qui vendange et moissonne
Qui tient l'archet l'automne
Du violon qui frissonne
Jamais plus accomplie
Que lorsqu' elle est remplie
Quand s'y trouve une femme
A la natte tordue
Qui s'y tient tout enclose
Captive nullement
Et femme pleinement
Confiante pleinement
Pas besoin qu'elle y mange
Qu'elle y rie qu'elle y danse
Qu'elle embrasse ou se donne
Car sa présence pleine
Souplesse et densité
Y habille le monde
De chaude perfection
- Mais sortir de la gangue
Encore faut-il qu'elle le veuille.

REFLETS
Pas de lumière pure
Quelque moirure quelque diaprure
Quelque mordorure
Pas de bigarrure pas de chamarrure
Pas d'enluminure pas de fioriture
Et le bleu qui fulgure
N'est pas d'azur
- Tension vers l'épure
Je conjecture
Quelques ratures quelques zébrures
Quelques éraflures
Des éclaboussures
Où viendra la moisissure
Des échancrures des fissures
Jusqu' à la déchirure
Et la béance n'est pas que signature
Quelques instants arrachés au temps
Puisqu'ici-bas c'est sûr
De ce qui fut rien ne dure
Le Pygmalion vosgien préfigure
Ce qu'annule le temps silure
- Et le reflet parfois
N'est pas ce que l'on croit
Mais la partie de soi
Que l'autre vous renvoie
Dans la peine ou la joie
Dans l'angoisse ou l'émoi
Cette partie de soi
Qui frémit qui ondoie
Fragile comme soie
Ourlée au point de croix.
CHERUBIN POTELE et AUTRE
Ce chérubin potelé?
Sous les plis pas de mystère
Pas de fêlure
La lumière
Fait plus que le nimber
- Rien à voir avec celui
Au carquois acéré
Qui vient de chez les Grecs
Lui c'est l'accomplissement sans le frémissement
La béatitude sans l'incertitude
L'innocence pas la licence
L'âme pure de luxure
La volupté sans la lubricité
La foi bonne pas la mauvaise
Rien qui gronde rien qui sourd
La bonhomie pas l'infamie
C'est le monde avant la faute
La rondeur sans l'inextinguible ardeur
La chair sans le péché
C'est le monde avant la faute
Un monde lisse sans vrai délice

- Du chérubin potelé tout le contraire
Ce diablotin émacié passé au noir de fumée
Efflanqué acéré
Sans son arc égaré
Dans quelque échauffouré.

Lui qui est fils d'Erèbe
Rien qu'un pied le retient
Plus qu'un pied à la glèbe
Au monde souterrain
Celui de l'ordre ancien
Sauvage et incertain
Bientôt l'ère d'ivresse
La femme n'est pas loin
Une ère d'allégresse
Et presque on se rejoint
L'une et l'autre se pressent
La vie n'est que promesses
C'est une ère nouvelle
Et la terre est à eux
Fraîche neuve et si belle
C'est leur terrain de jeux
- Une vie éternelle?
On peut la rêver telle.

L'ARRACHEMENT

BOUCHES
Nul besoin de biaiser
C'est l'heure du baiser
Que cette Danaïde
Si enfiévrée attend
Qu'à l' une et l' autre on goûte
A cette double énigme
Ces bouches pour aimer
Jusqu'à y naufrager.
Pulpe des lèvres fraîches
Fraîcheur gorgée de sucs
A sucer mordiller
Bouche avec ses mystères
Liqueur pour un ailleurs
Et un baiser profond
Est un chemin vers l'âme
L'autre bouche
Corolle bilabiée
Fragrances liliacées
D'embruns et de varech
Calice à adorer
Et jusqu' au pédoncule
Lieu de perte et de gloire
De mort de renaissance
De perles de rosée
Parfois d'averse drue
Bouche de sphaigne douce
De sphinge bienveillante

EVE APRES ...
Elle a connu le serpent
Elle a goûté le fruit
Elle a connu le goût de l'inconnu
Elle a connu la nudité
Elle a connu l'homme
Elle a connu la vie
Et après
Elle a voulu connaître encore
Elle s'est hissée
De toute sa densité
Jusqu' à la cime
Elle n' y a trouvé que des façons de pommes
Et après
Les branches ploient
Proche est le vide
Après
Et s'il n' y avait plus rien
Après.


La terre s'effiloche
Oui la terre s'étiole
Continents laminés
La terre se délite
La terre n'en peut mais
Oh bientôt ils viendront
Les jours les jours sans pain
Aux couleurs de la nuit
Puis les jours sans couleur
Et les jours sans nul jour
Tous ces jours sans demain
- Et ces jours pour toujours

JOUR SANS PAIN OU SISYPHE DANS LA VOIE LACTEE
ENTRELACES ou CREVE-COEUR
Si près
A s'en creuser le corps
A s'en crever le cœur
A ne faire plus qu'un
Si près
Et ils ne font plus qu'un
Se sont creusés les corps
Se sont crevés les cœurs

Plus tard
Halètements d'hallucinés
Sitôt enlacés sitôt déliés
Le désir aura été à l'heure
Mais il se révèlera
Que leur délire était un leurre
La solitude leur lot

Concentrées
Arrimées au sol en quelques points d'ancrage
Arc-boutées
Arquées
Cambrées
Creusées
- mais pas ce qui ne se peut
Muscles tendus tendons bandés
Energie dardée
Légèreté pesante ardente densité
Exigeantes
Terrestres pas éthérées
Comme figées
Pour une éternité
- Tant de tension tant de désir
Et c'est à peine si l'on s'effleure
